Rachel Delage

Jeanine Gaunet

Lucienne Fauvel

Photos de Jean-Louis Savignac
Du 20 novembre au 31 décembre 2015 dans le hall du Centre hospitalier Chenard à Saint-Aulaye (Dordogne).
27 photos de résidents ( Dans l'esprit de celles qui sont publiées ci dessous). 
Entrée libre. Renseignements: 05 53 92 43 00.

Mon ressenti: 
"Exposition matière grise"
par Jean-Louis Savignac

C'était au temps où l'on se vouvoyait avec Christine. "Nous avons pensé à vous pour un projet", m'avait-elle glissé, en janvier. J'étais flatté. Car l'équipe d'animation de la Maison de retraite de Saint-Aulaye déploie une grande énergie et donne du sens à ses actions. Je le mesure depuis des années, en tant que correspondant de Sud-Ouest, à travers les activités qui sont menées depuis des lustres. Christine Motard et Cécilia Pairemaure y sont pour beaucoup.
En me contactant, l'équipe souhaitait réaliser une exposition de photos insolites des pensionnaires et comptait sur mon "regard décalé". J'ai aussitôt relevé le défi, d'autant que le reporter que je suis n'a jamais exploré ce champ de travail. Contacts furent pris avec plus de 25 pensionnaires. De longs entretiens individuels qui ont permis de dégeler la glace et de titiller les souvenirs à fleur de peau. De faire remonter à la surface des pans de longue vie, des émotions, des passions et une leçon d'humour. Avec, en prime, un regard vif sur le monde. Aiguisé comme un rasoir. Tout remontait à l'air libre comme des pépites enfouies.

C'est sans doute Pierre Courré qui a été l'élément déclencheur. Braconnier devant l'éternel, incollable sur le collet, l'homme aux grosses bretelles et à la tête de boxeur avait toujours rêvé de traire les vaches en résine synthétique qui paissent sur l'esplanade des remparts. Un trait d'humour de celui qui en avait trait de bien réelles à Parcoul, durant toute sa vie. On a fait appel aux bonnes volontés locales. Bernard Motard a fabriqué un tabouret, Christine Motard a prêté un seau et c'est une équipe de joyeux drilles qui s'est portée sur le terrain.

Et puis les acteurs se sont succédé, pendant des semaines. Nous nous sommes déplacés en groupes. Les pensionnaires étaient ravis de ces récréations. Avec chaque fois des tranches de franche rigolade. Ce fut Jean-André Gaunet habillé en footballeur. Mon assistante était Cécilia Peyremaure. C'est elle qui lançait le ballon, en prenant garde de ne pas être dans le cadrage, tout cela sous le regard de son épouse Jeanine Gaunet. Ce fut Rachel Delage. Nous avons ramené la centenaire dans sa ferme et elle est montée sur son vélo fétiche, vêtue d'un maillot jaune. 
Ce fut Angel Blanchet qui nous a quittés cet été. Nous l'avons pleuré. Sourire aux lèvres, il est remonté sur un antique tracteur, avec la complicité de son fils, en pleine Double.
Ce fut Guy Lassale, devenu serveur chez Ali, avec Lucienne Fauvel en barmaid. Ce fut Georges Robin, habillé en gendarme au rond-point près de l'hôpital. Les automobilistes n'en sont pas revenus. Il sifflait énergiquement, l'œil sévère et un pistolet en plastique passé dans le ceinturon. Un Eulalien, artisan en retraite, que nous ne nommerons pas, a même prestement changé d'itinéraire. Il a cru voir un vrai militaire et se sentait fautif. L'homme n'avait pas bouclé sa ceinture.

Il y eut Marie-Rose Lambert transformée en voyante, lisant l'avenir dans un ballon de foot... Elle n'a pas deviné les frasques de Platini.Il y eut, il y eut... Maintenant, il y a! Christine me tutoie. Pas Cécilia qui me voutoie. Je crois que c'est dû à mes cheveux grisonnants. La matière grise, quoi! Matière grise, matière grise! C'est un bon titre pour une expo montrant des personnes âgées qui ont choisi de ne pas se prendre tout à fait au sérieux et sont tournées du côté de la vie, de l'humour. Un pied-de-nez, une pirouette. C'est leur façon à elles de marcher sur les mains. D'avoir des escarbilles dans les yeux, grâce à ce lien que nous avons tissé entre les pensionnaires, les animatrices et le preneur d'images.

Je ne sors pas indemne de cette aventure inédite. Car c'est la première fois que je réalise ce genre de travail. Mais c'est aussi une aventure inédite par son épaisseur émotionnelle, par les échanges que nous avons eus. Pour employer une expression à la mode, cette "Exposition matière grise" a ...crée du lien. Et les auxiliaires ne sont pas pour rien dans l'affaire. Comme Mireille Delavie qui a prêté un chevalet, Catherine Gianotti qui a confié sa blouse de peintre et une palette, Christine Motard qui a fourni un lapin vivant, Claudie Marion qui a dégoté des calendriers de playmates dénudées, le boucher Florian Pineau qui a prêté sa feuille et son billot, l'entreprise Dupuy qui nous a donné les clés d'un camion, M. Mignon qui nous a confié ses vaches Salers, Moulin neuf textile qui nous a ouvert son atelier.
Bref, ce lien fort, je le ressens comme des ondes électromagnétiques en poussant les portes de la maison de retraite. Ce sont les sourires aux lèvres et la chaude poignée de main. Des mots complices échangés. Je me suis fait des amis, cette année, à Saint-Aulaye. Tous saisis par mon objectif. Objectivement, je vous aime