Les péripéties de Gaston le lion à Verteillac

Publié le 28/11/2013 à 06h00
Par Jean-Louis Savignac

Le lion en voit de toutes les couleurs à Verteillac (24)

Peint et repeint par deux artistes célèbres, l’animal de pierre, qui a appartenu au sculpteur américain Edmund Ashby, n’est plus rose et surveille la circulation devant la Poste.

Les copropriétaires du lion, la restauratrice Mélody Troost et le brocanteur Huw Thomas, toutes griffes dehors. Ils ont changé les couleurs du lion baladeur il y a deux ans. (Photo Jean-Louis Savigna

Quel est son nom ? Clarence ? Non ! Il ne souffre pas de strabisme convergent (1). Simba ? Jab-bal-ja, l’ami de Tarzan ? Ou Gaston, que chantait le grand Jacques (Brel) ?

D’accord, nommons-le Gaston ! Le roi des animaux dont il est question a élu domicile à Verteillac depuis plusieurs années déjà. Installé voilà plus d’un an près de la Poste, il semble veiller sur la cité et surveiller la circulation du coin de l’œil, qu’il a rouge. Et pour cause. Car il a été repeint à deux reprises et pas par des barbouilleurs quelconques. C’est le défunt sculpteur américain Edmund Ashby qui en avait fait l’acquisition.

L’artiste, décédé en 2011, habitait Ribérac. Il avait décidé de le peindre en rose fluo et le lion avait été placé par on ne sait quelles mains devant le siège de la Communauté de communes du Verteillacois (CCV), que présidait alors Alain Lucas (UMP). Il se souvient de l’installation du lion devant la CCV. Peu de temps après, l’ancien sénateur, Dominique Mortemousque, était de passage à Verteillac : « Il m’a demandé si j’avais changé de couleur politique », raconte Alain Lucas qui s’en amuse encore. On ne sait comment le lion s’est ensuite retrouvé devant la boutique du brocanteur et sujet de sa très gracieuse majesté Huw Thomas.

Robe mouchetée et œil rouge

Le 10 août 2010, ce dernier, par ailleurs conseiller municipal, participait à l’assemblée communale. À l’issue de la réunion, quelle ne fut pas sa surprise de constater que deux voitures étaient stationnées sur le terre-plein, tous feux allumés et braqués sur le lion, devant la boutique. Plusieurs personnes étaient en train de le repeindre. Et l’une d’elles n’était autre que le célèbre peintre anglais Andrew Gifford, qui signe Giff, et fréquente le Verteillacois où il possède une maison et une tourbière.

Mélody Troost, la patronne du restaurant l’Escalier, faisait partie de l’équipe, ainsi que sa collaboratrice, Charlotte Dereix de Laplane. « On a fait ça tous ensemble. C’était très rigolo », confie la jeune Néerlandaise.

« Je suis amie avec Giff. Je l’avais vu l’après-midi et le soir. On s’est retrouvés avec des bombes de peinture et on a décidé de repeindre le lion. On avait convaincu des amis qui étaient là de garer leurs voitures en face de la brocante. On a d’abord mis une couche de blanc avant de le peindre avec les couleurs que l’on peut voir aujourd’hui », ajoute la restauratrice, qui a mis l’initiale de son prénom sur le socle, tandis que Giff a fait de même. Étant sous contrat, il n’avait pas la liberté de signer l’œuvre. C’est ainsi que l’on peut découvrir les initiales « GM » sur le lion Gaston.

La population a immédiatement réagi. Dès le lendemain, les commentaires fusaient. Comme celui de cette Verteillacoise qui pensait qu’un enfant de 4 ans aurait fait mieux. D’autres habitants ont posé près du lion à la robe mouchetée et à l’œil rouge.

« Bombe artistique »

« C’est une attaque à la bombe artistique et artisanale », ironise Huw Thomas, qui laisse entendre que les peintres avaient, disons, copieusement dîné avant l’opération. Mais, comme son amie Mélody, le brocanteur était inquiet de la décision du propriétaire, Edmund Ashby, de vendre son animal de pierre. Les deux amis se sont alors battus comme des lions pour l’acquérir en copropriété. « Le but était de le garder à Verteillac et non de le voir partir on ne sait où », souligne Mélody Troost.

Le lion Gaston est devenu un citoyen Verteillacois à part entière. Il a fait son dernier voyage il y a deux ans et semble apprécier l’emplacement qui lui est désormais dévolu. En raison des travaux réalisés dans le bourg, il fallait le déplacer. Une grue l’a soulevé et installé devant la Poste. Le roi des animaux y montre fièrement sa crinière. Et c’est de ce poste d’observation qu’il assistera avec fierté à la félibrée qui sera verteillacoise cet été. Sans doute rugira-t-il en occitan.

Jean-Louis Savignac

(1) « Clarence, le lion qui louchait » est un film américain d’Andrew Marton, sorti en 1965. Son titre original : « Clarence, the cross-eyed Lion ».