Echourgnac Il chassait les loups de la Double

Sud Ouest 31 octobre 2012

Auprès de la tombe de Pierre Guibert, dans le cimetière d'Échourgnac, un de ses lointains parents, Laurent Dantou. Cinq générations les séparent.

(Photo Jean-Louis Savignac)

Quand Pierre Guibert, veuf de Jeanne Richard et de Marguerite Mazeau, est décédé le 3 septembre 1906, dans sa 92e année, les hordes de loups qui ont entretenu la mythologie, les peurs et les fantasmes, ne semaient plus beaucoup la terreur dans la Double. En Dordogne, le dernier animal a été tué à Sarlande en 1929 et dans la Double, les loups ont été présents jusqu'à la guerre de 1914. Pierre Guibert, qui demeurait au lieu dit Le Châtelier, faisait partie de ces chasseurs de loups. Sa tombe, dans le cimetière d'Échourgnac, atteste de l'activité de cet enfant du village, né au XIXe siècle.

Gravées dans la pierre de 2 mètres de haut, quelques lignes, écrites comme un hommage. « Ici repose Guibert Pierre, décédé le 3 septembre 1906, qui a rendu service au pays pour avoir tué des loups. Priez pour lui. » Assurément, on priera pour lui le 1er novembre, à l'occasion de la Toussaint, lors de la bénédiction des tombes du cimetière d'Échourgnac (1). Et l'on se souviendra de la centaine de loups tués par Pierre Guibert.

Une bête rapportait 100 francs

Les actes de décès de ces « fauves », selon la terminologie de l'époque, sont dûment enregistrés et conservés aux Archives départementales. Il s'agissait des procès-verbaux rédigés par les maires. Les animaux sont décrits de façon précise, ainsi que les conditions dans lesquelles ils ont été abattus et les anecdotes qui entourent la mort. Une loi, votée le 4 août 1884, appelait les citoyens à exterminer les fauves et transformait ceux qui étaient candidats en chasseurs de primes. Il convenait de ramener la bête avec sa tête et sa peau. Un louveteau rapportait 40 francs, le loup adulte 100 francs, la louve « gestante » 150 francs. Quand le loup s'était attaqué à un humain, la prime se montait à 200 francs.

« Pierre Guibert était l'arrière-arrière grand-père de ma mère qui est décédée en 1996 », explique Laurent Dantou, un sexagénaire installé au Jartrissou à Échourgnac. Si la mémoire s'effiloche un peu, reste la tradition orale concernant les exploits du lointain parent, né le 26 mai 1815, à Maisonneuve, fils de Léonard Guibert, 58 ans, et de Marie Mignon, 36 ans. « Il surveillait les terriers dans lesquels la louve avait fait sa portée. Lorsque la mère quittait les lieux, pour aller chercher de la nourriture, il en profitait pour capturer les louveteaux. Ce n'était pas sans risques, mais il était assez malin pour ne pas se faire prendre. » Laurent Dantou se souvient encore des récits de sa mère Suzanne qui allait dans les champs pour garder les vaches. Les parents donnaient des consignes précises, en cas d'arrivée de « Canis lupus ». Il convenait de heurter ses sabots de bois pour provoquer la fuite de l'animal. D'autres vieux habitants, comme le grand-père du maire, Robert Segonzac, qui a soufflé ses 99 bougies il y a quelques jours, gardent encore en mémoire les récits qui ont jalonné leur enfance. Aujourd'hui, le maire, Patrick Segonzac compte mettre davantage en valeur la pierre tombale de l'illustre chasseur de loups.

Un dossier a été déposé auprès de la Fondation du patrimoine pour redresser la stèle et rendre lisibles les inscriptions. Les quelques anecdotes des vieux Échourgnacois et la pierre de calcaire gravée sont les seuls souvenirs de cette activité. Quant à ses armes, une lance, un fusil et un pistolet, elles avaient été conservées par la famille qui les a prêtées pour qu'elles soient exposées, lors d'une félibrée. On ne les a jamais revues.

Jean-Louis Savignac